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2022-05-14T15:50:31+02:00

La mélodie du vent, 3. Le commencement

Publié par AnneOnime

Le vent se fait violent, la pluie l’accompagne, les nuages cachent le soleil, le ciel se fait sombre, les arbres frissonnent, les animaux se réfugient à l’abri. Et le vent souffle, encore et encore, sans s’arrêter un seul instant. Les maisons tremblent, grincent, tiennent le coup. Elles doivent protéger ceux qui vivent en leur sein. Et le vent frappe, casse les branches, détruit les paysages. Sa colère augmente, les éclairs apparaissent, de court moment de lumière durant cette sombre nuit d’été.

Et ils prient, prennent leurs enfants, leurs parents, leurs amants dans leurs bras. Ils prient et attendent, rien d’autre ne peut être fait, ils n’en ont pas le pouvoir. Pourtant quelque part, loin, dans une maison abandonnée de tous, une jeune fille est dehors. Elle attend, les bras levés, accueillant la pluie avec un sourire, le vent avec plaisir et les éclairs avec joie. Elle attend en se promenant, pieds nus dans l’herbe mouillé. Sa robe collée à sa peau, les cheveux tombant sur ses yeux, trempée jusqu’aux os. Elle attend encore et encore celui qui ne viendra plus. Elle attend celui dont elle a oublié la visite, elle attend celui qui est déjà là, celui qui n’est jamais parti.

Et le vent l’aperçoit, celle qui calmera sa colère, celle qui ira plus loin qu’aucune autre, celle qui lui apportera de la joie. Il devient curieux de cette unique humaine à ne pas se cacher de sa fureur, de l’accepter les bras ouverts. Il ne sait que faire au début puis la curiosité plus forte que tout l’emporte ; il s’enroule autour d’elle, la sent, la touche, lui donne des frissons et s’en va voir se dont elle est capable, ce qu’elle a fait et ce qu’elle a oublié. Il pénètre dans la maison tremblante par la porte laissée ouverte, cette maison qui ne peut plus protéger, qui ne peut que regarder sa propriétaire sombrer si loin que plus personne en ce monde ne peut la sauver. Cette maison qui n’a pas changer pendant toutes ses années, toujours les mêmes tableaux accrochés aux murs, la même odeur entêtante dans chaque pièce, chaque objet à la même place, jamais déplacé. La poussière accumulée pendant tout ce temps s’envole au passage du vent. Il caresse chaque tableau, les fait osciller mais jamais tomber. Il traverse le long couloir et s’arrête soudainement de souffler. Puis, il se met à danser, il se repait pour la première fois, le spectacle dont il est témoin lui procure un sentiment qu’il ne connait pas. Et il souffle plus fort, danse, la joie l’emporte dans un tourbillon, cette sensation nouvelle qui le transporte. Si seulement ça ne s’arrêtait jamais. Mais rien ne perdure et la joie ressentie s’évanouie lentement ne lui laissant qu’un vide qu’il essayera de combler tant de fois.

Pour le moment, il profite de ce nouveau sentiment et tourne autour de cette scène qu’il n’oubliera jamais, la toute première. Soudain un bruit, la jeune fille entre en sautillant, la poussière s’accrochant à son corps mouillé. Et la maison observe sans rien pouvoir faire. Elle s’arrête au milieu du salon, l’eau coule à ses pieds et forme une flaque sur le parquet. Mais tout ça n’a aucune importance ; elle a oublié, la pluie, la tempête, celui qu’elle attend. Comme toujours. Trempée, elle frisonne au contact du vent, qui souffle une légère brise pour la faire réagir. Elle s’allonge à côté de sa poupée au milieu du salon, là où le sol nu est couvert de tâche et de saleté. Là où les couleurs se mélangent pour ne donner qu’un noir profond, comme le monde dans lequel elle s’enfonce. Cette poupée que ses parents lui ont offerte avant de partir. Celle avec laquelle elle dort depuis des années. Celle dont elle a oublié le visage comme tant d’autre chose. Celle dont elle a arraché la tête dans un moment de rage. Celle dont elle a découpé les jambes et les bras pendant une bataille. Celle dont elle a tout oublié. Mais tout ça n’a pas d’importance. Sa mémoire ne reviendra jamais, seuls les gestes perdurent, répétés indéfiniment tous les jours. Une routine dans laquelle elle s’est perdue, enfermée.

Elle prend sa poupée dans ses bras, n’entend pas le bruit de succion lorsque sa tête se pose sur le torse, ne sent pas l’odeur de décomposition s’échappant de chaque partie de la poupée. Elle ne peut pas, ce bruit, cette odeur ne font pas partis de son monde, sa routine, ils n’existent pas. Sa mémoire élimine ces détails sans importance.

S’enfonçant lentement dans le sommeil, elle chantonne une mélodie, une mélodie sans âge dont elle a oublié les paroles et la signification. Elle continue de chantonner jusqu’à ce que sa voix s’éteigne avant de sombrer dans le néant. Et le vent l’accompagne, la berce doucement et apprend cette merveilleuse mélodie. Et elle s’endort comme une enfant jusqu’à son réveil et que tout recommence, le moment de rage, la bataille, la sortie dans le jardin, l’attente et le sommeil dans lequel tout est oublié, effacé comme si rien n’avait jamais existé.

Le vent sort en silence, le calme est tombé dans la ville, la pluie et les éclairs s’en sont allés. Et le vent s’envole, s’enroule autour des branches, ballait les feuilles tombées pendant la tourmente. Il quitte cette endroit une seule idée en tête, retrouver cette joie. Le seul moyen pour y arriver est de partager cette merveilleuse mélodie. Alors il s’envole pour un autre endroit, une autre proie en murmurant sa mélodie.

La mélodie du vent.

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